A la poursuite du champignon toxique (Cltocybe amoenolens)
Journée Scientifique de la Société de Toxicologie Clinique - Paris - 12 octobre 1998
Claustre A1, Saviuc P1, Guez D2, Garcin R3, Champon B3,
Danel V1, Carpentier P4
1 Unité de Toxicologie Clinique, CHU, 38043 Grenoble Cedex 9
2 Société Mycologique de France
3 Fédération Dauphiné Savoie de Mycologie
4 Médecine Interne et Angiologie, CHU, 38043 Grenoble Cedex 9
Cas : 9 septembre 96, Lanslebourg (Savoie)
24 à 48 heures après l'ingestion de « Lepista inversa » (L) et « rosé des prés » (R)
H 40 |
L+R |
dysesthésies, régression en quelques jours |
F, 32 |
L+R |
picotements, fourmillements, douleurs nocturnes résistantes aux antalgiques |
h, 3 a |
L+R |
« ne sent plus son pied », douleurs, guérison rapide |
f, 4 m |
- |
allaitement, asymptomatique, sevrage |
F, 32 |
L+R |
engourdissements des orteils, douloureux à la pression, régression en 1 semaine (mercurius !) |
f, 2 a |
- |
asymptomatique |
H, 35 |
L+R +++ |
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Cas (suite)
- Bilan inflammatoire et immunologique : VS 38, augmenté alpha 2 glob., hypoalbuminémie, complexes immuns circulants, anticorps anti organites, organes, tissus (-)
- EMG : polyneuropathie périphérique discrète, prédominante sur les suraux
- Analyse toxicologique : Pb, As, Hg (tardivement, avec DMSA), CPG-SM (-), sur sang, urine, cheveu
- Enquête environnementale : Pb eau (DDASS), habitat (joint ciment pour plâtre), pain de seigle
Au total :
- repas champignon commun
- délai de 24 à 48 h commun
- symptomatologie identique : érythermalgie (acromélalgie), dose dépend.
- évolution comparable sur plusieurs semaines
- ni trouble digestif, ni trouble hépato-rénal, ni autre trouble
- tous les consommateurs de « L. inversa » ont été malades
- tous les malades ont consommé « L. inversa »
Enquête (1) : une infirmière nous met sur la piste...
11 octobre 1979, Bessans (Savoie), à 15 km de Lanslebourg 48 h après l'ingestion de « Lepista inversa » et « petit gris », gelés, à 2 repas :
F, 58 |
dysesthésies mains + pieds, à type de brûlures, d'onglets, évoluant par paroxysmes, qui empêchent la marche (aiguilles), œdème. |
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Fortal et Marcaïne (-) |
F, —35 |
paresthésies très douloureuses mains+pieds évoluant par paroxysmes, œdème, hyperesthésies +++, gênant la motricité |
Hospitalisation à l'Hôpital Edouard Herriot, pavillon N (Dr Ducluzeau) :
- analyse complémentaire : Latex, anticorps antinoyaux, cellule LE, porphyrie, EEG, FO, thermographie cutanée... (-)
- EMG : composante d'atteinte axonale évoquant une neuropathie toxique
- analyse toxicologique : Pb, Hg, As : (-), phénol et crésol augmentés ?
- évolution : 5e semaine, phase d'amélioration nette, Terneurine, Glifanan
Hypothèses : ergotisme (-), Phagoseptyl ?...
Enquête (2)
Après quelques égarements....
- le ramasseur disparaît !
- un mycologue [Marcel Loquin] identifie Clitocybe subinvoluta (Amérique), un autre L. inversa, à partir des vestiges de repas
... c'est la victime qui nous met sur la piste, en découvrant un article [1] paru en Dauphiné-Savoie !
- au Japon : Clitocybe acromelalga [1] Ichimura, ressemble beaucoup à L. inversa [2,3] et a été nommé "douleur des extrémités des membres" (nom latin) !
Parallèlement sont alertés/interrogés
- Médecins généralistes de la Maurienne
- Mycologues universitaires, japonais, sociétés mycologiques [4]
- Centres anti-poisons, DDASS, museum histoire naturelle
[1] lchimura T. Botanical Gazette, Tokyo, 1918, 65, 109-111
[2] Guez D. Bull. Féd. Myc. Dauph. Savoie, 1990, 116, 12-14
[3] Romagnesi H. Bull. Soc. Myc. France, 1989, 105, 131-132
[4] Fourré G. Soc. Myc. massif d'Argenson, 1996, 16, 6-11
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Lepista inversa |
Clitocybe acromelalga |
champignon inconnu |
Chapeau |
-310 cm |
-*10 cm, port de L. inversa |
3-7 cm, port de L. inversa, |
fauve roux à brun |
jaune orangé à rouge brique |
jaune ocre clair |
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Lames |
serrées |
serrées à très serrées |
moyennement serrées |
très décurrentes |
longuement décurrentes |
décurrentes |
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Pied |
3-5*0,6 cm |
3-7*0,8 cm |
2-5*0,4-1,2 cm |
Chair |
pâle |
jaunâtre sale |
crème jaunâtre à isabelle |
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saveur nulle |
saveur agréable à âprescente |
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Spores |
4*5 µm rondes |
1,6-4*2-3 µm |
4-5*2,5-3,5 µm |
incarnat jaunâtre |
blanchâtres |
rosée jaunâtre |
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Stations |
sous conifères en cercle |
ormes, bambou,Japon, Corée |
sous épicéa |
Bon M. Arthaud, 1988.
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Guez D. Bull Fed Myc Dauph.- |
Charignon Y et al. Bull Fed Myc |
Courtecuisse R. Delachaux |
Savoie, 1990, 116, 12-16. |
Dauph.-Savoie, 1998, 149, 11-14. |
& Niestlé. 1994. |
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Diapo 1 a,b,c : Lepista inversa (R. Girel, FMDS) et autres France
Diapo 2 :
Clitocybe acromelalga (T. Ueda, Kyôto, Guez Niigata Japon)
Diapo 3 : PAM Clitocybe sp. (?) (B. Champon, FMDS)
Diapo 4 : spores deClitocybe sp. (?) au MEB (RJ. Bouteville, 63400 Chamalières)
« Syndrome d'acromélalgie » Clitocybe acromelalga Ichimura
= Dokou sassa ko (champignon vénéneux du bambou)
Quelques jours (24h à 5-15 j) après l'ingestion
Oedème, rougeur des doigts et des orteils
Douleurs intolérables - à faire hurler - durant 3-5 semaines, insomniantes
- non calmées par les antalgiques et analgésiques
- calmées par l'eau froide
Evolution (8 j - 5 mois) sans séquelle, sinon cicatrices cutanées
Quelques décès liés à l'altération de l'état général (insomnie, surinfection...)
Une dizaine de toxines ont été extraites(1) dont l'acide acromélique A et B
- en faible quantité (quelques µg/kg)
- hydrosolubles et thermostables
- proches des acides domoïque et kaïnique, puissants agonistes des récepteurs du glutamate
[1] Nakamura et al. Japanese Journal of Toxicology, 1987,0,35-39 (en japonais)
121 Konno K et al. Journal of the American Chemical Society, 1988, 110, 4807-4815
Enquête (4) : 19 septembre 1998 (+ 2 ans)
2ème cueillette de 60 jeunes exemplaires (même station)
Perspectives :
- description / identification (MO, ME)
* le genre ?
* l'espèce ?
- protocole d'extraction
* acide acromélique ? (et consorts)
* quantité suffisante ?
- protocole d'expérimentation animale
* dose ?
* effet cible ?
Société Francophone d'Urgences Médicales, Marseille - 22 avril 1999
À la poursuite du champignon toxique
Saviuc Pl, Claustre Al, Guez D2, Garcin R3, Champon B3, Danel VI, Carpentier P4
I Unité de Toxicologie Clinique, CHU, 38043 Grenoble Cedex 9
2 Société Mycologique de France
3 Fédération Dauphiné Savoie de Mycologie
4 Médecine Interne et Angiologie, CHU, 38043 Grenoble Cedex 9
Conclusion
" Un champignon au port de Lepista inversa, peut-être un clitocybe, a été reconnu responsable de plusieurs cas d'acromélalgie "
Une nouvelle espèce (toxique)
Un nouveau syndrome toxique pour la France (et l'Europe)
Des inconnues : genre, espèce, toxines
" Dorénavant, ne plus consommer Lepista inversa et Clitocybe gibba, ces champignons pouvant être confondus avec l' espèce toxique ".