Empoisonnement par le Clitocybe acromelalga
NB. L'introduction ci-après est extraite de notre interview de la famille intoxiquée et de l'anamnèse de nov. 1999 à Niigata.
Croisez les doigts pour que jamais ce joli champignon, appelé localement Doku sasako (= "poison des Sasa", le bambou nain) ou Yakédo-kin (="Champignon aux brûlures" ) n’atterrisse dans votre assiette... par manque de bol !
Madame T. les avait accommodés simplement en un potage au miso (pâte de soja fermenté) du tonnerre qui avait régalé toute la famille, surtout son mari, qui en reprit deux fois, en faisant cul sec, ce dont il allait se mordre les doigts (et même les orteils) pendant quatre mois inoubliables !
Trois jours passent, personne ne trépasse : on oublie vite les mimi champipis des Sassa de la Mamie... car elle connaissait bien ce "rond de sorcières" dans la bambousseraie, au fond du jardin, qui semblait la narguer chaque année en fin d'automne, avec ses beaux carpophores en forme de bols à soupe, justement, et comme laqués par la pluie.
Ce n'est qu'au soir du troisième jour, qu'elle sentit les premiers picotements au bout des doigts, début d'une paresthésie s'aggravant d'heure en heure, au point que la vaisselle qu'elle lave lui échappe des mains! Un peu plus tard, dans son bain, aggravée par la chaleur de l'eau, elle ne sent plus ses orteils, qui sont devenus d'un rouge carotte !
2-4 jours après le repas toxique apparaissent une raideur et des picotements, puis des sensations de brûlure au niveau des doigts et des orteils, accompagnés au 4e jour de douleurs intolérables augmentant progressivement jusqu'au 10-20 ième jour et persistant de trois à cinq semaines. La douleur permanente est responsable d'insomnie, les patients restants avec les avant bras et les mains levées (comme une mante religieuse à l'affût). Elle augmente au moindre contact (drap, gants, chaussettes) ou au réchauffement et diminue si on trempe les parties dans l'eau froide ou glacée (mais causant alors des engelures et nécrose des extrémités). Les paresthésies, picotements et brûlures peuvent affecter également l'oreille externe, le centre du visage, les parties externes des organes génitaux et l'abdomen. Toutes les parties douloureuses sont tuméfiées, avec érythèmes et œdèmes. Elles ne sont pas soulagées par les antalgiques et les analgésiques, mais sensiblement atténuées par la morphine injectée dans l'espace épidural.
Empoisonnement par le Doku-Sasa-Ko
by Nakamura Koichi, Shoyama Fumiko, Toyama Joji, Tateishi Keita, Japanese Journal of Toxicology 1987,0,35-39;
Résumé : Nous présentons ici deux cas d’intoxication par le champignon Doku-Sasa-Ko (毒笹子) alias Yakédo-Kin (火傷菌) [ "Poison du bambou nain" (Sasa ) ou "champignon aux brûlures" ] espèce décrite par le Dr. Ichimura en 1918 sous le binôme éloquent Clitocybe acromelalga. Il occasionne des douleurs très intenses des parties distales des extrémités pendant 1-3 mois. Un protocole de traitement possible avec hémoperfusion directe et anesthésie épidurale est décrit. Les substances toxiques en jeu sont également discutées.
Avant-propos
Clitocybe acromelalga est un champignon vénéneux connu seulement du Japon à ce jour. Sa ressemblance avec certaines espèces comestibles telles que le Clitocybe en entonnoir, l’Armillaire couleur de miel, et le Lactaire sanguin est à l’origine de confusions dramatiques. Le mal qu’il occasionne est tout à fait caractéristique : plusieurs jours après l’ingestion, se produit un engourdissement (paresthésie), puis un rougissement avec tuméfaction, accompagné de douleurs lancinantes de la partie distale des extrémités des quatre membres. Les douleurs sont continues et extrêmement violentes, au point de gêner, voire d’empêcher les activités quotidiennes, notamment la marche, l’alimentation et le sommeil. Les divers traitements tentés jusqu’à présent, visant en priorité le soulagement de la douleur, n’ont pas donné de résultats satisfaisants (1-3). Nous rapportons ici deux cas choisis parmi les intoxiqués admis en urgence dans les centres Anti-Poison, l’un assez grave, l’autre plus bénin.
1. Cas d’intoxication sévère: La patiente est une femme de 34 ans, de bonne constitution et de sans antécédents médicaux. Elle a consommé les doku-sasako dans une soupe au miso* dont elle a pris 2 bols par jour pendant 3 jours d'affilée. Les premiers troubles apparaissent brusquement 3 jours après la première ingestion. Des douleurs aiguës accompagnées d'élevation de température au niveau des articulations des doigts et des orteils. Au 6ème jour, les douleurs se font plus intenses et la patiente a du mal à marcher. Au 10ème jour, toutes les articulations douloureuses sont tuméfiées par des oedèmes. Les bains d'eau froide procurent un léger soulagement tant que les parties sont immergées mais, à peine sorties de l'eau, la douleur se ravive.
Les analgésiques classiques tels que l'aspirine, la pentazocine etc., n'ont eu aucun effet. L'anesthésie épidurale "nerve-block" par injection de lidocaïne n'a eu qu'un effet analgésique médiocre. Les activateurs du métabolisme cérébral, comme la citicholine (Nicholine ®), le mechlophénoxate (Lucidril ®) etc. ainsi que les stéroïdes se sont avérés totalement inefficaces, tant sur la douleur que sur les autres troubles. Il faudra compter environ 60 jours de soins hospitaliers avant que les principaux symptômes disparaissent. Toutefois, la sensation d'engourdissement au niveau des quatre membres persistera plus de quatre mois après l'ingestion, surtout quand les extrémités sont réchauffées. Aucun trouble des fonctions hépatique ni rénale n'est apparu au cours de l'évolution et aucun signe de séquelle n'a été décelé.
2. Cas d'intoxication légère : La patiente est une femme de 26 ans. Elle a consommé 3 carpophores de Doku-Sasa-Ko, également dans une soupe au misso. 4 jours plus tard, elle ressent seulement des picotements au bout des doigts et des orteils. Il n’y a pas de douleurs. La sensation d’engourdissement est exacerbée par le réchauffement, par exemple quand elle est dans son bain. Un cocktail de citicholine, de méchlorophénoxate et de glutation (Tation ®) a été administré en perfusion intraveineuse pendant 5 jours, sans résultat. Par la suite, la patiente étant laissée en observation sans aucun traitement particulier, les paresthésies disparaissent environ 3 semaines après l’ingestion des champignons. A aucun moment ne sont apparus de troubles hépatique ou rénaux et aucun signe de séquelles n’a été décelé.
宮城県仙台市10月10日 Bois mêlés montagneux 山地の雑木林 水野撮影 Photo: Mizuno
Le champignon responsable
1. Description et aire de répartition* (1,3,4-7) : Le Doku-Sasa-Ko est un clitocybe de la section Gilvaoideae, appartenant à la famille des Tricholomataceae, connu sous les noms japonais et vernaculaires de yabu-shiméji, yakédo-také, yakédo-kin, tamoshi-také, sasa-moshita, sasa-také, yabu-také, gomi-také, tchoku-také, konoha-také, kéyaki-moshita, tsukito-moshita, etc.. Son aire de répartition a pour centre les départements de Fukui, Ishikawa et Niigata, autour desquels elle s’étend largement puisqu’on le trouve jusque dans les départements de Shiga, Kyôto, Yamagata et Miyagi. Il pousse du mois de septembre au mois de novembre, au dessus de 200m, surtout sur des sols pentus orientés à l’ouest, dans l’humus, sous bambous, ormes du Caucase (Zelkova) et camélias (Yuki-tsubaki). Il ressemble par la forme et la couleur à des espèces comestibles comme Clitocybe gibba, flaccida, Lepista inversa, Armillaria mellea et Lactarius sanguifluus. Clitocybe acromelalga se caractérise par ses lames décurrentes, sa chair facile à fendre longitudinalement, la présence de feuilles mortes agglomérées à la base du pied (au moment de la récolte), et par la proximité de bambous et autres arbres cités plus haut.
2. Principes toxiques de Clitocybe acromelalga
Teneur / kg : Acide acromélique A = 6,8µg / Acide Acromélique B = 2,5µg / Clitidine = 190µg
Les principes toxiques furent longtemps inconnus. Puis, les cas se multipliant, on remarqua que les personnes ayant consommé ces champignons impunément ou avec des troubles bénins, étaient celles qui les avaient laissé tremper pendant plus de 6 heures avant de les manger en soupe, ou encore celles qui, en ayant fait une soupe, n’avaient consommé que les champignons, sans la boire. On pouvait donc penser que la toxine était, d’une part hydrosoluble, et d’autre part, capable de résister à l’ébullition.
En analysant l’eau dans laquelle ont macéré ces champignons, on a d’abord extrait du D-mannitol, puis K. Konno, S. Tono-oka et all. parviennent à isoler certains des composants du Clitocybe acromelalga (voir tableau 1), et dont ils réussissent en partie la synthèse. Parallèlement, Nakajima et son équipe isolent également la clitidine (8-10), qui sera la première substance identifiée. Elle est altérée quand on la chauffe en milieu alcalin, et stable en milieu acide. Le dérivé amide de la clitidine a été obtenu par synthèse, son existence en tant que composant naturel dans le champignon reste encore à démontrer. On pense qu’il est le précurseur de la clitidine. Il se décompose dans l’eau, et quand cette eau est chauffée à 100°C pendant 5 minutes, 100% des dérivés amides sont transformés en clitidine.
A 70°C, seulement 70% de ces dérivés sont transformés, et aucune transformation n’a lieu si l’eau est laissée 24h à température ambiante. Si la forme dérivée existe bien dans le champignon, il faut croire que c’est le procédé d’extraction qui le transforme en clitidine. Les acides acroméliques A et B sont des acides aminés dont on a pu extraire que des quantités infimes. Ils sont hydrosolubes et fixés par le charbon acif. Ils ont été récemment synthétisés et leur fort pouvoir dépolarisant a pu être mis en évidence. La clithionéine est un acide aminé (bétaïne) comportant un radical (CH3)3N, également hydrosoluble et fiixé par le charbon actif.
On ne sait pas encore clairement lesquelles de ces substances sont responsables des troubles. Les inoculations faites dans la cavité abdominale des souris montrent que l'acide acromélique est le plus toxique, suivi de la clitidine et la clithionéine. D'après ces tests, on estime la dose létale pour la clitidine à 50-100mg /kg et à 16mg/kg pour son dérivé amide synthétique. La toxicité diffère selon les espèces animales: Une solution à 10% de Clitocybe acromelalga en injection sous-cutané provoque la mort pour une dose de 40m1/kg chez la grenouille rousse et le cobaye, 30m1/kg chez la souris et 200m1/kg chez le rat, alors que le lapin résiste même à des doses supérieures à 200m1/kg.
Tableau clinique et évolution
Comme on peut le voir d'après les deux cas rapportés plus haut, la gravité des troubles est proportionnelle à la dose de champignons absorbée. Nous résumons ci-dessous l'évolution des symptômes rapportés dans la littérature (1-3). Les troubles apparaissant moins de 24h après le repas toxique:
- 6 heures après: lourdeur d'estomac, nausée, asthénie, sensation d'avoir un grain de sable dans l'œil.
- Absence notable des troubles gastro-intestinaux habituellement observés dans les intoxications fongiques.
- 24 heures après: sensation de mâcher des grains de sable. Tous ces symptômes sont bénins, comparés aux douleurs atroces qui les masquent ou qui leur succèdent, se chargeant alors de les faire oublier.
- 2 à 4 jours après le repas toxique: Raideur, picotement et sensation de brûlure au niveau des doigts et des orteils. Ce stade a été observé le plus souvent jusqu'au 4ème jour, rarement 7 à 8 jours.
- 5 jours à 2 semaines après le repas toxique: Les douleurs augmentent pour atteindre leur maximum au 6ème jour et persistent jusqu'au 10-20ème jour. La douleur est telle que les patients restent avec les avant-bras et les mains levés, les coudes pliés. Elle augmente au moindre contact ou si on réchauffe les parties. Elle diminue au contraire, si on les trempe dans l'eau froide ou glacée, ce qui explique que les patients aient souvent des engelures ou des infections aux extrémités des membres. Les sensations de picotements et de brûlure touchent aussi l'oreille externe, le centre de la face, les parties externes des organes génitaux et l'abdomen.
- On signale aussi des hallucinations et des sensations anormales. Le sens du toucher et la sensibilité à la douleur sont amoindris, alors que les réflexes profonds sont augmentés.
- On signale aussi une rétractation des pupilles, mais elle passe souvent inaperçue.
- Puis, tous les parties douloureuses sont tuméfiées avec érythème et œdème.
2 semaines à 3 mois après le repas toxique: A partir du 15ème jour, les troubles commencent à régresser, pour disparaître au bout de 30 à 50 jours. Les douleurs disparues, les picotements réapparaissent parfois avec le réchauffement des membres jusqu'au 100ème jour environ.
Le contexte pathologique: Le mode d'action du poison n'a pas encore été élucidé [NDT en 1986]. Ceci parce que l'expérimentation ne dispose pas de cas d'intoxication comparables chez l'animal. Comme l'anesthésie épidurale donne certains résultats, on aurait pu penser à une rétractation des vaisseaux. Or, les artères tibiales des patients sont parfaitement dilatées, de même que les artères et les capillaires des animaux inoculés (10,11). D'autre part, comme les engourdissements et les douleurs n'apparaissent pas immédiatement après l'absorption, on peut penser à une atteinte des nerfs périphériques. Shirakawa et son équipe penchent pour une altération neurologique, notamment une exacerbation du système parasympathique avec atteinte multiple des nerfs périphériques (3).
Le traitement
1) Soins d'urgence: L'apparition tardive des troubles dans le cas du Doku-Sasako empêche généralement la mise en place des soins d'urgence, tels que l'administration de vomitifs, charbon actif, purgatifs etc..
2) Hémoperfusion et Hémodialyse: On a prétendu que ces deux moyens étaient efficaces pour éliminer le poison du Doku-sasako, avec les arguments suivants:
1- Les substances toxiques contenues dans le champignon étant hydrosolubles, elles devraient pouvoir être adsorbées par le charbon activé.
2- Ces substances étant en quantités infimes devrait pouvoir étre hémodialysées.
3- Nous connaissons un cas où elles ont été appliquées avec succès. Le patient, atteint aux extrémités des troubles classiques (douleurs, inflammations, tuméfaction), ne peut plus marcher. On lui a fait une hémoperfusion et une hémodialyse 3 heures par jour pendant 3 jours. Le premier jour, l'inflammation a cessé. Le troisième jour, il pouvait marcher à nouveau (12).
3) Traitement de fond de la douleur: Aspirine, pentazocine et morphine sont inéfficaces. Par contre, l'anesthésie épidurale "nerve block" diminue sensiblement la douleur. On peut aussi obtenir de bons résultats en injectant de la morphine dans l'espace épidural.
4) Traitements annexes:
Les perfusions intraveineuses d'acide nicotinique et d'ATP diminuent notablement la douleur et les autres symptômes(3). Commencer par 30mg de chaque et augmenter de 10 mg par jour jusqu'à 150mg par produit. Continuer jusqu'à la disparition ou la régression des symptômes. On ne sait pas encore pourquoi ces substances ont une action favorable sur ces troubles. C'est leur efficacité dans le traitement de la maladie de SMON (Subacute-Myelo-Optico-Neuropathy) qui a mis les chercheurs sur la voie. On rapporte aussi un cas où l'administration de vitamine B12 aurait diminué la durée des symptômes. Les injections intra-musculaires d'atropine (0,5mg, 2 ou 3 fois par jour) et de céphanlatine en intraveineuse (de 30mg, 2 fois par jour) sont signalés comme apportant une légère amélioration. Les stéroïdes, le Glutation et les activateurs du métabolisme cérébral sont sans effet. Le trempage prolongé dans l'eau glacé est responsable d'infections locales. Dans ce cas,on prescrira des pommades et des antibiotiques.
Pronostic
On rapporté autrefois des cas de décès, dûs aussi bien à l'épuisement général causé par les douleurs permanentes, l'insomnie et l'impossibilité de s'alimenter, que par les infections locales. Mais, en général le pronostic est favorable et on peut espérer la rémission totale et naturelle. Il n'y a pas de séquelles.
Bibliographie de référence:
1) MIURA O. Inflammation des extrêmités par ingestion de Dokou-Sassako et étude de ce champignon, Glenzgebit (?) 1937,11:1011-1024.
2) OIDA F. Un cas d'inflammation des 4 membres par intoxication fongique et son traitement. 1959, 41:1087-1090.
3) SHIRAHAMA K.,HOSHI M.& KURIBAYASHI K. Rapport de 3 cas d'intoxication par le champignon Clitocybe acromelalga Ichimura, notamment les symptômes neurologiques et le traitement. 1980, L'académie Médicale de Niigata, 94:745-753.
4) HAYAKAWA K. A propos du Yabou-shiméji. Transactions of Japan Mycological Society, 1974,15:101
5) IMAZEKI R.& HONGO.T. Atlas en couleurs des Champignons du Japon. Osaka,1983 HOIKUSHA Publ.
6) KARIMAI T.& KOBAYASHI Y. Plantes et Champignons toxiques, Tokyo, 1979, Ed.HIROKAWA 84-85.
7) SHIMIZU T., TONO T.& IZAWA.M. Champignons, Tokyo 1985, Ed.Ass.IEO-HIKARI,
8) KONNO.K, HAYANO K. SHIRAHAMA H.et all. Structure and synthesis of Clitidine. 1977, Tetrahedron Letters,18:481-482
9) USHIJIMA I.,KATAGIRI S.& HIRA N. Substances toxiques du Clitocybe acromelalga et mode d'action. 1978, Pharmacia, 14:773-777
10)TONO-OKA S.,SASAHARA Y.et all. Enzymatic synthesis of new pyridse nucleoside, 1981,Bull.Chem.Soc.Jpn. 54:212-216
11) KATO T.,GOTO K.& FUJINO F. Plusieurs cas d'inflammation des extémités causés par un champignon toxique. Clinique dermatologique 1978, 46:255-261
12) YANO K. Correspondance personnelle.
Nota: Cet article a été initialement publié dans : YAKUJI (PHARMA) 1986, Vol.28, no.10
(Traduit du japonais par Toshie GUEZ
Ci-contre nos récoltes de Niigata Photos in situ 1 et 2 nov 1999
Niigata. Granite. Étage collinéen (100 m) bambouseraie à Phyllostachis bambusoides Sieb. & Zucc. [madake]., Acer palmatum Thunb. ex Murray [takao momiji]., Zelkova serrata (Thumb. ex Murray) Makino [keyaki].Substrat: Terricole.Humus moyen (moder). pH 5-6
Station historique, la famille du propriétaire des lieux ayant été gravement intoxiquée. [Interview Anamnèse par S. Miyauchi, T. & D. Guez]
Spores non lisses de la récolte atypique.
DESCRIPTION MACRO par Daniel Guez (1999):
Lames serrées, jusqu'à 15 lames / cm à la marge et autant de lamellules, larges de 2-3 mm, non séparables, décurrentes-pentues, rarement fourchues, crème orangé pâle.
Pied 3-6,5 x 0,7-1,3 cm, atténué à la base mais subclavé chez les spécimens cespiteux, couvert de fibrilles longitudinales concolores au chapeau, pruineux au sommet comme la marge piléique, plein puis fistuleux ; mycélium affleurant la surface du sol, agglomérant la litière.
Chair mince, environ 3 mm d'épaisseur, tendre et blanchâtre dans le chapeau, crème jaunâtre pâle sous le revêtement piléique, avec un hypophylle café-au-lait, plus ferme et lavée de roussâtre dans le cortex du pied ; odeur nette et fruitée, plus ou moins agréable. Saveur fongique-amariuscule (rappelant Lentinula edodes ?), vite contaminée par l'odeur.
MICROSCOPIE par Pierre-Arthur Moreau :
Spores 3,2-4,20-5,1 x 2,6-3,17-3,7 µm, Q = 1,32, V = 45 µm3, ovo-elliptiques à subglobuleuses, lisses en microscopie optique, à apicule tronqué proéminent jusqu'à 0,5 µm de longueur ; paroi décomposable en 2 couches, la couche interne épaisse d'environ 0,2 µm et non cyanophile, la couche externe très mince et légèrement cyanophile ; contenu généralement uniguttulé, hyalin, cytoplasme légèrement cyanophile ; .spores en majorité uninucléées, mais quelques spores à 2 noyaux çà et là (probablement issues de basides bisporiques).
Basides 18-30 x 4-5,5 µm, cylindro-clavées à légèrement ventrues, à base souvent amincie, la plupart à 4 stérigmates dressés longs de 3-4 µm, mais quelques basides bisporiques éparses ; contenu à nombreuses gouttelettes lipidiques jaunâtres.
Basidioles cylindroclavées banales relativement bien développées, issues du dernier élément du sous-hyménium, quelques éléments plus courts dispersés çà et là ; présence par endroits (arête et faces) de basidioles cystidioïdes éparses, fusiformes ou pluri-étranglées, légèrement émergentes, à contenu identique aux basides.
Sous-hyménium filamenteux banal pour le genre, épais d'environ 15 µm, à hyphes grêles x 3,5-4,5 µm.
Médiostrate régulier sur la moitié de la lame (vers l'arête), d'épaisseur moyenne 60-100 µm, à hyphes x 5-9 µm peu ramifiées et à peu près parallèles.
Hypophylle de même structure que le médiostrate, d'épaisseur env. 30 µm.
Revêtement piléique d'abord en cutis très mince, puis légèrement gélifié et localement redressé en ixotrichoderme désorganisé, où les hyphes sont rapidement collapsées puis détruites ; chez les jeunes, hyphes x 2-5 (7) µm, grêles, cylindracées à irrégulièrement digitées-ramifiées à extrémités obtuses, mêlées à des éléments clavés ou renflés épars ; plus tard ces hyphes ne sont plus observables et l'hypoderme à nu donne à nouveau l'aspect d'un ixocutis mince, mais à hyphes lisses et souvent sectionnées.
Hypoderme très mince et peu différencié, épais de 15-30 µm, hyphes x 3,5-5 µm, à peu près parallèles.
Chair localement aérifère mais à hyphes parallèles et soudées x 5-15 µm, peu colorées, à paroi ridée-ondulée.
Pigmentation : pigment pariétal jaune terne partout, parfois très légèrement incrustant ; pigment cytoplasmique jaune d'or abondant dans l'hypoderme et le suprapellis, mais soluble dans KOH 5%, rare dans la chair.
Récoltes étudiées :
Nagaoka (département de Niigata, Japon), dans une petite plantation de bambous (Phyllostachys bambusoides), mêlée d'Acer palmatum, Cryptomeria japonica et Zelkova serrata, pH de l'humus : 6,5, alt. 100m, 2 novembre 1999, herb. D. GUEZ 99-11-02-1, 2 spécimens en herb. P.-A. MOREAU. 18 spécimens de tous âges, dont 5 fasciculés, choisis parmi une cinquantaine de basidiomes poussant en rond de sorcière sur la litière ; même station, S. MIYAUCHI 98-11- ??, 4 exsiccata dont 1 en herb. P.-A. Moreau.
ARCHIVES : traduction automatique (google) d'une note inédite en japonais sur l'historique des symptômes et traitements résumés de l'époque Meiji [entre 1868 et 1912 ].
Les symptômes
Le Doku-sasa-ko provoque une intoxication pharmacologique unique en son genre, contrairement à beaucoup d'autres champignons toxiques.
Les principaux symptômes comprennent une irritation des yeux, des nausées légères et une perception accrue [ hyperesthésie ?] de la peau. Les parties périphériques du corps, telles que les extrémités (bout des doigts), le bout du nez et le pénis, sont rouges et enflés comme si elles étaient brûlées. Dans cette zone, une douleur intense se produit, comme si on pressait un fer porté au rouge, provoquant une acromélalgie. Dans les cas graves, la zone peut s'étendre au genou, au coude ou au lobe de l'oreille. Dans certains cas, des cloques se forment dans la zone touchée et, dans les cas graves, une nécrose / un abandon de la zone périphérique peut survenir. Il n'y a pas de symptômes gastro-intestinaux, et des changements tels que la température corporelle et le pouls se produisent rarement. De plus, la pression artérielle et le nombre de globules blancs dans le sang restent normaux.
La rougeur, l'œdème et la douleur persistent longtemps (souvent plus d'un mois), de jour comme de nuit. Rares chez l’adulte, des décès ont été rapportés chez des personnes âgées ou des enfants. Cependant, la plupart des cas de décès ne sont pas dus aux composants toxiques du Doku-sasa-ko lui-même, mais résultent de l'immersion prolongée des parties touchées dans l'eau glacée afin de soulager les douleurs insoutenables, les infections secondaires, etc. en raison de l'humidité, de la nécrose de la peau, etc. En outre, il existe certains cas où la souffrance mentale causée par ces symptômes à long terme ne peut être négligée, et le suicide est considéré comme un moyen d'échapper à une douleur intense et à une mort invalidante résultant d'un épuisement physique dû au trouble du sommeil. Comme ce cas relativement récent de la fin octobre 1989, une femme de 68 ans est décédée environ deux semaines plus tard à Toriyamachi, dans le département d’Ishikawa, après consommation de doku-sasa-ko récoltés dans une forêt mixte de sapins et de bambous.
En outre, bien que l’on ne sache pas s’il est directement imputable au composant de Doku-sasa-ko ou s’il est secondaire, un cas de saignement ulcératif de la paroi du tube digestif (estomac et duodénum) est connu.
L'intoxication par le doku-sasa-ko se caractérise par le fait que la période d'incubation entre l'ingestion et le début des troubles est d'environ 1 à 7 jours et que l'évolution de l'intoxication est remarquablement lente [16]. Pour cette raison, le contrôle de la toxicité consistant à nourrir un petit nombre d'animaux de laboratoire a été difficile à identifier, même si cela se produisait, et même parmi les scientifiques médicaux, il a été estimé qu'il s'agissait d'une sorte de maladie endémique inconnue. En outre, la période d'incubation a tendance à être plus courte à mesure que la quantité de champignons consommée augmente et, dans le cas d'une période d'incubation plus courte, à devenir plus grave.
Pour la première fois, des cas d'intoxication identifiés comme consécutifs à la consommation de champignons ont été signalés en 1891 par les préfecture de Kyoto [21] et de Fukushima [22]. Cependant, les champignons n'étaient pas identifiés avec certitude à ce moment-là et les connaissances mycologiques n'étaient pas plus satisfaisantes dans la communauté médicale que dans le grand public.
En 1899 (Meiji 32), dans un cas d'empoisonnement collectif (7 personnes) survenu à Kureki-Gun, dans la préfecture de Niigata, les patients intoxiqués déclarèrent: « Il n'y a pas de cause particulière à part l'anxiété » [et ce qui serait de nos jours qualifié en psychiatrie de délire mystique]. Je suis tombé amoureux d'une villageoise (sic) et je craignais la colère de Dieu, mais on m'a dit que c'était un des dieux de l'or contrarié par la construction de ma nouvelle maison. " [Ces interprétations paranoïaques d'un Dieu ou ancêtre contrarié sont fréquentes dans l'approche magique et le chamanisme]
Enfin, après des entretiens répétés avec des spécialistes, nous avons pu recouper que des champignons communément appelés « champignons des ordures (décharges publiques» ou « champignons chokku » avaient été récoltés sept jours auparavant dans l'enceinte des sanctuaires près de chez eux et consommés au dîner. En garniture du repas, le patient a confirmé qu'il avait mangé de ces champignons et la première hypothèse fut donc qu'il s'agissait d'un empoisonnement alimentaire causé par des champignons.
Cependant, même dans ce cas d'empoisonnement documenté, la position taxonomique du champignon incriminé n'a pas été établie jusqu'à la fin. À Tatsuo-mura, Kashima-gun, préfecture d'Ishikawa, des symptômes de "douleur rouge" (erythermalgie) à un stade avancé se présentaient chaque année comme un symptôme majeur, ainsi que des décès, mais dans ce cas, 1911 (Meiji 44) Même dans un rapport publié l'année [25], la cause était inconnue et la possibilité d'un empoisonnement par des champignons a été négligée. À propos, dans le cas du village de Ryuo, il y avait des patients qui souffraient de douleurs rouges à un stade avancé à l'automne, mais personne n'a envisagé la consommation de champignons, étant donné la longue latence des symptômes.
Chez l'animal
Les extraits obtenus en séchant, en broyant et en immergeant les corps de fruits Doku-sasa-ko sont extrêmement toxiques pour les rats, les souris, les cobayes et les grenouilles. Ceci est très différent de celui provoqué par une intoxication humaine. Chez les grenouilles, les mouvements réflexes et respiratoires sont inhibés, tandis que chez les rats, les souris et les cobayes, des difficultés respiratoires ou un arrêt du rythme respiratoire sont dus à une paralysie du centre respiratoire. Chez le cobaye, des spasmes musculaires sont observés, mais pas chez d'autres animaux. L'excitation sympathique, l'augmentation du pouls, la vasoconstriction et l'augmentation de la pression artérielle ne se produisent que chez la souris.
N. Nakajima, M. Ueda, N. Higashi & Y. Katayama
Pages 451-454 |, Published online: 03 May 2013
Abstract
Context : Erythromelalgia is a rare disorder characterized by reddening, severe burning pain, and swelling of the extremities. Food poisoning by Clitocybe acromelalga, a poisonous mushroom, is known to induce erythromelalgia; however, its treatment protocol remains unclear. We describe here three cases of erythromelalgia following the consumption of C. acromelalga with varying clinical courses. Case details. Of the three patients, the first patient presented 22 days after the onset of erythromelalgia; although he was treated with aspirin, numbness in the limbs persisted as sequela. Patient 2 presented at 3 days after the symptomatic onset and was immediately treated with high-dose intravenous nicotinic acid, with a dramatic symptomatic improvement. Patient 3, who had milder symptoms, spontaneously recovered within a week without any treatment. Discussion. The clinical manifestations and varying clinical courses associated with C. acromelalga toxicity are discussed here, with the pathogenesis of this mycotoxin and a potential treatment. Detailed interviews of such patients are important, particularly because of the remarkably slow course of this mycotoxin as compared with common food poisonings. Treatment with intravenous nicotinic acid was associated with improvement in one patient. We believe that this painful disorder might thus be treatable, although the mechanism underlying the treatment remains unclear.
Keywords: Mushroom poisoning, Food poisoning, Nicotinic acid
Nobuhito Nakajima, Masayuki Ueda, Naoyuki Higashi & Yasuo Katayama
Page 815 | Received 26 Jun 2013, Accepted 27 Jun 2013, Published online: 29 Jul 2013We greatly appreciate the important and insightful comments regarding our recent article.1
The aim of our article is to extend scientifically and clinically useful information about Clitocybe acromelalga intoxication. C. acromelalga typically grows in bamboo bushes or groves in autumn, and is mainly prevalent in Tohoku, Hokuriku, Kinki, and Sanin districts on Honshu Island in Japan; it is called “Dokusasako” in Japanese. Although C. acromelalga has been previously known as a mycotoxin, an effective treatment protocol has not been established yet.
The comments expound on the probable pharmacological mechanisms underlying pain development and the role of nicotinic acid in providing relief from the pain associated with C. acromelalga intoxication. We believe that not only irregular distribution of peripheral blood flow and neurovascular dysfunction but also inflammatory mediators, such as calcitonin gene-related peptides (CGRP), may be involved in the pathological condition resulting from intoxication of this mycotoxin because of the delayed improvement of burning and sharp pain regardless of normalized color of the skin.1 The poisonous compounds in C. acromelalga are complex, and it contains several toxic compounds in addition to acromelic acid.2,3 Although clitidine is one of the poisonous constituents of C. acromelalga, its vasodilatory effects are mild.4 C. acromelalga intoxication is associated with a lack of gastrointestinal symptoms and a relatively long latency period of several days between consumption and symptom onset, which is a remarkably slow course for food poisoning.1 Therefore, metabolites of C. acromelalga may be involved in the development of toxic effects. However, to the best of our knowledge, thus far, no study has elucidated the exact mechanisms underlying C. acromelalga intoxication in humans.
Our observations indicate that administration of nicotinic acid may be an effective analgesic treatment for erythromelalgia associated with C. acromelalga intoxication, although the precise mechanisms underlying the therapeutic effect of nicotinic acid remain unclear. We agree with the pleiotropic actions of nicotinic acid as described in the comments. However, the metabolic pathways of C. acromelalga in humans, such as the tryptophan–niacin pathway, are considerably complex5; the site of action by nicotinic acid in cases of C. acromelalga intoxication remains to be elucidated. Therefore, further studies are needed to investigate the clinical, pharmacological, and molecular biological features of C. acromelalga intoxication and explore the therapeutic potential of nicotinic acid. Furthermore, the potential analgesic effects of nicotinic acid might even be considered for other disorders.