Noms japonais de champignons à aiguillons (5) par Rokuya Imazeki
III. Noms d'espèces standards et vernaculaires (suite)
C. Champignons à aiguillons (hydnés)
1. Boletopsis leucomelas (Fr.) Fayod
Kuro-kawa 黒皮, クロカワ, Peau noire (cuir noir).
- Kaménoko-motashi [Yamagata, Tochigi]. 亀の子もたし, カメノコモタシ, « Champignon Petite tortue » (carapace).
- Kuro-gan-také [Kumamoto]. 黒雁茸, クロガンタケ, « Champignon Oie noire » (plumage de l'oie cendrée).
- Kuro-hachi [Yamagata]. 黒鉢, クロハチ, « Bol noir » (bol retourné).
- Kuro-kawa [Okayama, Tottori, Wakayama]. « Peau noire ».
- Kuro-kinoko [Iwaté]. 黒木の子, クロキノコ, « Champignon noir ».
- Kurokko [Okayama, Hiroshima, Tottori, Wakayama]. 黒っ子, クロッコ, « P'tit noiraud, Gars noir ».
- Kuro-kuchi [Hyôgo]. 黒口, クロクチ, « Bouche noire ».
- Nabé-kaburi [Tochigi]. 鍋頭, ナベカブリ, « Casserole sur la tête » (le champignon évoque un fond de casserole retournée, noirci par le feu).
- Oshônin [Nagano] 御上人, オショウニン, « Saint homme, Bonze » (soutane noire sur blanc, cf. note).
- Rôji [Aïchi, Gifu]. Altération de rôjin, 老人, ロウジ, « Vieillard ».
- Rôjin-také [Aïchi]. 老人茸, ロウジンタケ, « Champignon vieillard ».
- Ushi-bitaï [Nagano]. 牛額, ウシビタイ, « Front de boeuf ».
- Ushi-kawa [Nagano]. 牛革, ウシカワ, « Peau de boeuf ».
- Usuko-také [Iwaté]. ウスコタケ, usuko, en patois, est une variante de ushi et donc signifiant 牛茸, « Champignon boeuf ».
Ce champignon, largement répandu dans tout l'archipel, est commun dans les pinèdes mixtes. Malgré sa saveur amère, il est très estimé pour accompagner le saké. Bouilli et mélangé à du radis daïkon râpé, puis assaisonné à la sauce de soja vinaigrée.
Un bon nombre de noms vernaculaires intègrent la couleur noirâtre du champignon. Shôkei Kizawa explique dans sa préface du Shinyô Kinpu de Chikan Ichioka ( Guide des champignons de la région de Shinyô, datant de 1799 ), l'origine du nom Oshônin. Dans la région d'Ina, aujourd'hui devenue le département de Nagano, ce champignon n'était jadis pas consommé, jusqu'à ce qu'un bonze de la secte Nitchiren ne l'essaie et établisse sa comestibilité. Dès lors, la popularité du champignon croissant, il fut baptisé Oshônin , sans doute par gratitude pour le Saint homme. (NDT. le contraste du blanc et du noir de cette espèce peut également expliquer l'analogie avec le koromo noir sur fond blanc, tenue sacerdotale des bonzes de la secte).
2. Climacodon septentrionalis (Fr.) P. Karst., Hydnum septentrionale Fr.
Ezo-hari-také 蝦夷針茸, エゾハリタケ, Hydne du Nord (Ezo désignait Hokkaïdô, puis a pris le sens large de boréal).
- Nuké-ochi [Yamagata, Niigata, Fukushima]. 抜け落ち, ヌケオチ, « qui chute » (qui dégringole).
- Nuki-uchi [Yamagata]. 抜き打ち, ヌキウチ, « qui fend au premier coup de sabre ».
Ce champignon pousse en colonies imbriquées sur les troncs morts de hêtres et d'érables. En hiver, il arrive que le poids de la neige pesant sur les carpophores les fasse tomber. Peut-être un chasseur l'a t-il nommé nuke-ochi après en avoir reçu un sur la tête ! Quant à l'autre nom local, un fermier de Yamagata nous a affirmé, il y a une vingtaine d'années, que ce redoutable nom de nuki-uchi lui fut donné par les chasseurs qui, dans la futaie empesée par la neige, surtout les jours sans vent, redoutaient la traîtrise du coup de sabre (guillotine) causé par la chute d'un énorme carpophore. Il est cependant plus probable qu'il ne s'agisse que d'une déformation dialectale de nuke ochi.
3. Mycoleptodonoides aitchisonii (Berk.) G. Maas, Hydnum pergamenum Yasuda
Creolophus spathularius Imaz.; C. pergamenus (Yas.) Imaz.; Mycoleptodonoides pergameneum (Yas.) Aoshima & Furukawa.
Buna-hari-také 椈針茸, ブナハリタケ, Hydne du hêtre.
- Kanoko [Yamagata]. 鹿の子, カノコ, « Faon ».
- Kanuga [Akita]; Kanouka [kanuka] (Akita, Yamagata); altérations de Kanoko, même sens de jeune chevreuil.
- Mino-také [Niigata]. 蓑茸, ミノタケ, « Manteau de pluie (en paille) ».
Comme il pousse sur les hêtres, on le trouve surtout au Nord du Japon où il est bien connu des riverains sous le nom de kanoko, kanuga ou kanuka. Le dictionnaire des dialectes de Tôjô indique que dans deux départements du nord, Iwaté et Miyagi (où l'espèce est commune), de même qu'à Nara, kano signifie « chevreuil, cerf » [+ ko « enfant »]. Les champignons hydnoïdes ont souvent des noms d'animaux, comme on en verra d'autres exemples ci-après.
4. Hericium erinaceum (Fr.) Pers., Hydnum erinaceum Fries
Yamabushi-také 山伏茸, ヤマブシタケ, Champignon Yamabushi (Ermite-Guerrier).
Harisénbon [Yamagata]. 針千本, ハリセンボン, « Mille aiguilles ».
- Jôko-naba, Jôko-také [Kagoshima]; 上戸滑生, 上戸茸, ジョウコナバ, ジョウコタケ « Champignon grand buveur ».
- Kano-tama [Wakayama], 鹿の玉, カノタマ, « Testicules de cerf ».
- Sarubénji, Sarupenguri [Iwaté], 猿ベンジ, 猿ペングリ, « ? de singe ». Le sens du nom complet n'est pas clair.
- Usagi-motasé [Iwaté], 兎持たせ, ウサギモタセノ, « Champignon lapin ».
Ce champignon formant une masse tuberculeuse, couverte de longs aiguillons pendants, une telle apparence est naturellement associée à quelque animal.L'épithète du nom latin, erinaceum signifie «hérisson » en grec.Les deux noms commençant par Jôko, « grand buveur », se rapportent de toute évidence à l'alcool. Le sud de Kyûshû où ces noms sont en usage est célèbre pour la distillation d'eau-de-vie de patate douce, nommée shôchû. C'est un alcool fort (rare au Japon), dont les amateurs sont généralement de grands alcooliques. Lors des fêtes, on joue à des jeux où le perdant doit boire un grand verre de shôchû. Pour qui supporte mal l'alcool, c'est un supplice, aussi ceux qui veulent survivre à cette bacchanale n'ont d'autre ressource que de dissimuler un jôko-také dans leur poche, puis de le placer discrètement sur leur gosier et verser l'eau-de-vie sur le champignon absorbant, tout en feignant de l'ingurgiter avec délice. Une fois saturé, le champignon peut être réutilisé après essorage. C'est donc bien le champignon lui-même qui est le grand buveur ! Voilà en tous cas ce que racontent les buveurs de l'île de Kyûshû.
Quant au Yamabushi, ascète montagnard attaché à la secte bouddhique Tendaï ou Shingon, c'est son accoutrement, avec ses six pompons blancs de fibres tressés, cousus sur la poitrine, qui est sans doute à l'origine de l'analogie avec ce champignon en boule hérissée.
Les yamabushi du Japon médiéval étaient des ascètes montagnards et des guerriers, principalement originaires des écoles Honzan du temple impérial Shōgo-in à Kyoto, de l'école Tōzan du temple Daigo-ji Sanbō-in depuis le VII e siècle. Solitaires, ils formaient des confédérations éparpillées, parfois associées avec certains temples (voir ci-dessous), et participèrent également à l'occasion à des batailles aux côtés des samouraïs et des .
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5. Hydnum repandum Fr. (et var. album)
Kanoshita 鹿の舌, カノシタ, Langue de chevreuil.
- Hari-senbon [Niigata]. 針千本, ハリセンボン, « Mille aiguilles ».
- Iga-také イガタケ « Champignon bogue de châtaigne ».
- Kanoko-také [Fukushima], 鹿の子茸, カノコタケ, « Champignon faon ». Dans le département contigu de Yamagata, Kanoko est le nom local pour Creolophus pergamenus (cf. plus haut).
- Nunobiki [Yamagata] 布引, ヌノビキ, « Linge étendu sur le sol ».
- Shiro-kawa-také [Nagano] 白革茸, シロカワタケ, « Kô-také blanc » (cf. Sarcodon aspratus, ci-après).
- Shiro-kô-také [Hyôgo], 白皮茸,白革茸, シロコウタケ, « Kô-také blanc » (cf. Sarcodon aspratus, ci-après).
- Tsuchi-kanoko [Yamagata], 土鹿の子, ツチカノコ, « Faon de terre ». Voir Kanoko plus haut.
- Yuki-také [Nagano], 雪茸, ユキタケ, « Champignon de neige ».
Nunobiki désigne l'étendage du linge blanc sur l'herbe ou les buissons pour le teindre ou le blanchir. Le mot est souvent utilisé métaphoriquement pour décrire le rideau d'une chute d'eau, ou l'aspect de champignons, en général blancs, poussant en ligne et en grande quantité. En plus du Pied de mouton, le terme Nunobiki est également appliqué dans diverses contrées à Tricholoma album ou parfois à Hygrophorus russula.
6. Sarcodon aspratus (Berk.) S. Itô, Hydnum aspratum Berk.
Kô-také 皮茸,革茸, コウタケ, Champignon peau (cuir) ou champignon fourrure.
(Kô est l'altération de Kawa, « peau, cuir »).
- Bakurô-také [Akita], 伯楽茸, バクロウタケ, « Champignon marchand de chevaux ».
- Iga-také [Iwaté], イガタケ « Champignon bogue de châtaigne ».
- I-no-hana [Iwaté], 猪の鼻, イノハナ « Museau de sanglier ».
- Kawa-také [Iwaté], 皮茸,革茸, カワタケ. C'est la forme d'origine et non altérée de kô-také (cf. ci-dessus).
- Kuma-také [Ishikawa], 熊茸, クマタケ « Champignon ours ».
- Kuri-kinoko [Iwaté], Kuri-také [Tottori], 栗木の子, 栗茸, クリキノコ, クリタケ, « Champignon châtaigne ».
- Kuro-ginoko [Iwaté],黒木の子, クロギノコ, « Champignon noir ».
- Matsu-kawa-také [Nagano], 松皮茸, マツカワタケ, « Champignon cuir du pin ».
- Mino-guro [Shiga] 蓑黒, ミノグロ, « Manteau de pluie noir (en paille) ».
- Shika-také [Nara]. 鹿茸, シカタケ, « Champignon cerf ».
- Shishi-také [Akita, Yamagata, Fukushima, Niigata, Wakayama, etc.]. 猪竹, シシタケ, « Champignon bête (fauve) », ou, selon le sens donné à Shishi, sanglier, cerf ou lion mythique 獅子.
- Susu-také [Akita], ススタケ est une altération de Shishi-také, caractéristique des régions nordiques où on tend à transformer le shi en su.
Partout où il pousse, Sarcodon aspratus est considéré comme l'un des meilleurs champignons comestibles. Séché, il exhale une bonne odeur (qui a encouragé la graphie commerciale kô-také = 香茸).
Parmi ses multiples noms vernaculaires, shishi-také vient en tête, derrière kô-také. Shishi-také a été cependant choisi par les mycologues du 20ème siècle pour être appliqué (comme nom japonais standard) à Sarcodon imbricatus. Le binôme Sarcodon aspratus fut créé à l'origine par Miles Joseph Berkeley, mycologue britannique faisant autorité, pour être appliqué à une récolte japonaise, considérée comme espèce endémique. Il est toutefois possible que les deux taxons soient conspécifiques.