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Ki-no-ko fungi
8 octobre 2020

2e récolte européenne d'une espèce marocaine : Clitocybe amoenolens

BULL. FEDER. ASSOC. MYC. MEDIT., 4, 1993 page 16

Une espèce de la zone de Quercus ilex (au Maroc), mais montagnarde en France (Alpes) : Clitocybe amoenolens Malençon

par Serge POUMARAT* & Pierre NEVILLE**

Résumé : Clitocybe amoenolens Malç., décrit du Maroc, remarquable par ses teintes de Lepista inversa et son odeur d'Inocybe corydalina, a fait l'objet de 3 récoltes européennes (la première par BON (1987), les 2 autres présentées ici), toutes dans les Alpes françaises. Il s'agit d'une espèce montagnarde à affinité thermophile liée à la litière de diverses Pinaceae.

Title :  Species of the Quercus ilex area in Marocco, but mountain species in France : Clitocybe amoenolens Malençon.

Summary : Clitocybe amoenolens Malç., described from Morocco, characterized by its colors of Lepista inversa and by its odor of Inocybe corydalina, has been gathered three time in Europe (the first time by Bon (1987), the 2 others are those discussed here), always in the French Alpes. It is a mountain species with thermophilic affinity, associated with the litter ofvarious Pinaceae.

Introduction

Dans le Sud de la France, le chêne vert (Quercus ilex) est étroitement lié au climat méditerranéen. En Afrique du Nord (Maroc), ce même chêne vert peut pousser en altitude (1600-1700 m), mêlé à des cèdres. Les espèces de champignons récoltées dans ce type de chênaie verte ne se retrouvent pas forcément associées à cet arbre en France continentale. Leur affinité montagnarde peut au contraire se révéler de façon manifeste chez nous. C'est le cas, semble-t-il, de Clitocybe amoenolens Malençon dont nous présentons, ci-après, une description détaillée et la première photographie en couleurs (Photo, p. 48).

Nomenclature et iconographie

Clitocybe amoenolens Malençon (in Malençon & Bertault, 1975, p. 141).
Synonyme : Clitocybe fallaciosa Malençon, (1959, p. 23) non Speggazini (1887, p. 7). L'existence de ce synonyme antérieur, découvert a posteriori, a obligé Malençon à renommer son espèce.
Iconographie : Malençon & Bertault (1975) pl. 8 en couleurs (p. 144 bis) trop jaune, comme le signale l'errata colorum des auteurs et fig. 21 (dessin au trait).

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*38-40 Chemin de la Soude, le Cid n° 22 - 13009 Marseille (France).
**508 av. de Mazargues, Bât. 2 - 18008 Marseille (France).


BULL. FEDER. ASSOC. MYC. MEDIT., 4, 1993 page 17

Description de deux récoltes françaises

Description macroscopique

Chapeau : non hygrophane, 3,9-8,5 cm de diamètre, d'abord convexe puis étalé-déprimé à sub-cyathiforme avec les bords incurvés ; marge régulière lisse, d'abord enroulée, puis étalée, mince ; cuticule mate de subtomenteuse à feutrée, presque glabre à la fin sauf à la marge qui reste tomenteuse, d'abord pâle crème-beige, puis le centre devenant beige-rosé à brun roux ou fauve-orange terne au centre (Cailleux, entre N65 et N60), la marge restant pâle (crème), et souvent guttulée ça et là ainsi que vers le 1/3 du rayon à partir de la marge, peu séparable.

Lames : étroites, 0,3 - 0,6 mm de large, nettement décurrentes, parfois fourchues près du stipe, arête entière, blanchâtres puis beige-roussâtre ou ocre-jaune pâle (Cailleux, K79). Sporée blanche.

Stipe : 3-4,5 x 0,6-1,4 cm, cylindrique à base un peu élargie sur quelques exem­plaires et agglomérant les aiguilles de conifères et l'humus, assez court, plus petit que le diamètre du chapeau, à fibrilles apprimées ou cotonneux par endroit (surtout aux deux extrémités), concolore au chapeau ou un peu plus pâle, vite fistuleux, puis creux.

Chair : élastique, épaisse au disque (de 1 à 1,4 cm) et encore relativement épaisse à mi-rayon, blanche dans le chapeau et roussissant dans les galeries de larves, beige roussâtre dans le cortex du stipe (imbu), blanchâtre dans la partie fistuleuse. Saveur douce, fongique, pouvant devenir très faiblement farineuse au bout d'un moment ; odeur très remarquable et forte d'Inocybe corydalina ou d'un mélange rappelant celles de Tricholoma caligatum et de la fleur d'oranger.

Clitocybe amoenolens 1992 93 Alpes_BFAMM 4_p 17 fig

Description microscopique :

Spores : (fig.1,A) : hyalines, lisses, non amyloïdes, acyanophiles, d'ovoïdes à el­lipsoïdes ou en pépin de raisin avec un apicule assez important, 4,5-5,5 x 2,8­3,5 µm (Q = 1,4-1,7 avec Qm = 1,6 pour la récolte SGP 93.10.09.222).

Basides (fig.1,B) : tétrasporiques, bou­clées, longuement clavées 32-38,5 x 5,5-6 µm.

Trame des lames : subrégulière à hyphes larges de 5-10 µm et plus, onduleu­ses ; sous-hyménium à hyphes de 3-5 µm de diamètre, à articles courts. Sans cheilo­cystides ni pleurocystides.

Cuticule : à épicutis de type lâche cons­tituée d'hyphes de diamètre de 2 à 4 pm, entrelacées, couchées ou ascendantes, mais sans hyphes saillantes remarquables avec seulement quelques extrémités plus ou moins dressées. Pas d'hyphes gélifiées.

Pigment non vacuolaire, paraissant soit pariétal lisse, soit intracellulaire mais cytoplasmique.

Chair piléique à structure souvent lacuneuse, formée d'hyphes plus larges, lâchement entrelacées. Boucles : nombreuses dans toutes les parties.

 

Habitat et récoltes :

  1. [GPS X: 44.666672 Y: 6.65]
    Dans un bois mêlé de chênes caducifoliés et de conifères (surtout Pinus sylvestris), près de Guillestre dans les Hautes-Alpes, vers 1100 m d'altitude le 26.10.92, leg. D. VILLENEUVE, herbier POUMARAT SGP 92.10.25.217. La nature du terrain n'a pu être précisée par le récolteur.
  2. [GPS X: 44.566669 Y: 6.5]
    Dans un bois de mélèzes (Larix decidua) dans la litière, vers Embrun (Hautes-Alpes) le 10.10.93, herbier POUMARAT SGP 93.10.09.222, sur terrain calcaire.

Discussion

Ce Clitocybe est caractérisé par ses couleurs de Lepista inversa et sa forte odeur d'Inocybe corydalina qui devraient le rendre facilement déterminable lorsqu'on l'a eu en main une fois.

Nous n'avons pas noté, sur les divers exemplaires de ces deux récoltes, le large mamelon des récoltes marocaines faites par Malençon & Bertault (1975), ni l'intense coloration finale des lames (comparées à celle d' Hygrophoropsis aurantiaca). Mais, dans la récolte de Maurienne étudiée par Bon (1987), le chapeau est légèrement mamelonné. Les hyphes de la trame des lames de nos récoltes paraissent être aussi plus larges.

A part ces quelques différences, la description de Malençon & Bertault s'applique remarquablement bien à nos exemplaires.

Clitocybe amoenolens a été créé par Malençon (in Malençon & Bertault, 1975). Les récoltes (au nombre de 7) que signalent ces auteurs ont été effectuées en automne au Maroc, dans le moyen Atlas central, vers 1600-1700 m d'altitude, sur terrain calcaire, en cédraie pure ou mêlée de chênes verts et de houx.

On sait que les Clitocybes sont des saprophytes, généralement de litière ; selon les espèces, ils ont une affinité plus ou moins étroite pour une litière d'origine donnée.

En ce qui concerne Clitocybe amoenolens, le fait qu'il puisse pousser en cédraie pure semble indiquer qu'il peut se satisfaire d'une litière de résineux, voire qu'il est adapté à ce type de substrat. Autrement dit, la présence possible de chênes verts ou de houx dans certaines cédraies où il a été récolté, n'implique pas de lien trophique obligatoire avec la litière de ces feuillus. Simplement, la présence du chêne vert indique que les conditions climatiques existant dans ces sites, permettent le développement de ce chêne tout comme les conditions du climat méditerranéen en France continentale lui sont favorables.

Or, en France méditerranéenne, dans la zone du chêne vert, bien qu'existent, aussi bien en région calcaire que siliceuse divers résineux (Pinus halepensis, Pinus pinaster... voire des cèdres introduits constituant des forêts), aucune récolte de Clitocybe amoenolens n'a été effectuée, du moins à notre connaissance.

Pourtant, cette espèce pousse dans notre pays. C'est Marcel Bon (1987) qui en a signalé la première récolte dans la vallée de la Maurienne.

Pour notre part, étonnés de la détermination à laquelle nous arrivions, puisque cette espèce ne figure pas dans la flore de Moser (1978) et qu'elle paraît simplement répertoriée dans les clés de Bon (1983), nous avons demandé à ce dernier, son avis sur la première récolte décrite dans cet article. Il a confirmé notre diagnostic et nous a signalé (in litt.) sa propre récolte, pour laquelle il nous dit avoir oublié de mentionner qu'elle a été effectuée sur le

18



BULL. FEDER. Assoc. MYC. MEDIT., n.s., 4, 1993 page 19


versant sud de la vallée de la Maurienne. Il est intéressant de souligner que la récolte de Bon (1987) a été faite sous Pinus sylvestris. Ce résineux était aussi présent dans le bois mêlé de chênes caducifoliés où a été effectuée la première récolte mentionnée dans notre article. Quant à la seconde, elle provient d'un bois de mélèzes. Autrement dit, tant pour les récoltes marocaines de Malençon & Bertault (1975), que pour celles réalisées en France, la litière d'où elles proviennent, comporte toujours des aiguilles de conifères de la famille des Pinaceae (Cedrus pour le Maroc, Pinus ou Larix pour la France). Par ailleurs, sa poussée se fait toujours en altitude (1600-1700 m au Maroc dans le Moyen-Atlas, 1000-1100 m en France dans les Alpes). C'est donc une espèce plutôt d'affinité montagnarde, même si le chêne vert peut être présent dans certaines des récoltes marocaines. Tout au plus, ce fait traduit-il une certaine thermophilie des stations où pousse ce Clitocybe, caractère souligné par Bon (1987) qui insiste (in litt.) sur sa présence en versant sud.


Bibliographie

BON M., 1983.- Tricholomataceae de France et d'Europe occidentale (6e partie : Tribu Clitocybeae Fay.). Clé monographique. Doc. Mycol., 13 (51) : 1-53.

BON M., 1987.- Quelques espèces intéressantes étudiées au stage FMDS de St-Germain-Monts-d'Or. Bull. Féd. Mycol. Dauphiné-Savoie, 105 : 28-30.

CAILLEUX A., 1980 ? .- Code des couleurs des sols. Boubée Ed., Paris, 15 p. + 4 pl. en couleurs.

MALENÇON G., 1959.- Champignons du Moyen Atlas. C.R. Soc. Sc. nat. et phys. Maroc, 1 : 23.

MALENÇON & BERTAULT R., 1975.- Flore des champignons supérieurs du Maroc. Trav. Inst. Scient. chérifien et Fac. Sci. Rabat, Tome II, 540 p.

MOSER M., 1978.- Die Röhrlinge und Blätterpilze. Kleine Kryptogamenflora, Band II, Teil b2, G. Fischer, Stuttgart.

SPEGAZZINI C., 1887.- Fungi fuegiani. p. 7.

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Clitocybe amoenolens 1993 Htes Alpes Larix

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