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Ki-no-ko fungi
9 octobre 2014

Noms japonais des champignons (1) par Rokuya Imazeki

 

Singer_et_Imazeki_m1984_10
Rolf Singer et Rokuya Imazéki en octobre 1984. Photo par Gary Lincoff

Rokuya Imaeki 1973 - Japanese mushroom names -Transactions of the Asiatic Society of Japan, 3rd ser., v. 11, pp. 25-80.

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The Japanese have an extensive and richly varied vocabulary for the mushroom tribe, the very existence of which surely qualifies them for inclusion among the world's outstanding mycophiles. It is, however, a vocabulary which has yet to be recorded and analysed in its entirety. Indeed, prior to the present paper, there seem to have been only one serious attempt to bring our mushroom names together for study(1). Very desirable, obviously, is a definitive atlas  of these names compiled systematically and thoroughly throughout the country by a team of competent linguists and mycologists.

 What is offered here as an approach toward such an atlas is the result of the author's efforts over some years not only to extract mushroom names from technical and popular literature and to note and investigate names heard on trips to mushroom areas, but also to identify the mushrooms to which the names are attached. Identification in many cases has been difficult. The same name may be used for both of two species closely resembling each other, or it may be applied to quite different species in different prefectures, or even in the same village by different families. Some names, especially in written references, have not been accompanied by sufficient information to allow identification and there-fore have had to be discarded. Quite a different kind of difficulty has been that of trying to translate or explain names of which the meaning is very obscure or perhaps has been lost entirely.
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1.  Minoru Aoki's きのこの地方名 (Local names of mushrooms) mimeographed and circulated privately by the author in 1963.


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Despite its limitations and imperfections, it is hoped the compilation will serve to bring to wider notice a fascinating area of Japanese culture and prove useful to not only mycologists but also linguists and anthropologists.

The Japanese mushroom vocabulary falls into three main categories of ascending degrees of specificness.

1. There are first the general words covering all mushrooms, both those words known and used throughout the country and those known and used only in various localities.
2. Secondly, there are collective names for groups of species, some of which originally may have been given to single species.
3. Finally, most numerous, there are names that belong properly to only individual species. These are of two kinds, those recognized nationally as standard names and those known locally or in mushroom literature of the past(2).
Both kinds are arranged here under eight headings, most of which, to place them scientifically, correspond to families of the Hymenomycetes sub-group of the Basidiomycetes group of fungi.

Under each heading, the species are listed alphabetically by their international scientific names. Each such name is followed by the Romanized standard Japanese name of the species in bold type and then by the Romanized local or dialectical names and those found in literature in their own alphabetical order, with their meanings and relevant comments. The localities where the dialectical names are used follow them in parentheses. To facilitate the use of the compilation, there is at the end an index of all Latin (Greco-Latin), Japanese and English names, together with an index of place names.
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2. Among the standard names are some which have been devised by mycologists in modern times for previously unnamed species. These, because known only to specialists and without local equivalents, have been omitted here. They may be found in Dr. Seiya Itô's Nihon Kinruishi (Mycologcal Flora of Japan), Vol. 2, Part 4, 1955, and Part 5, 1959.


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Les Japonais ont un vocabulaire étendu, riche et varié pour désigner la tribu des champignons, dont l'existence même les qualifie certainement à être admis parmi les civilisations les plus mycophiles du monde. Il s'agit cependant d'un vocabulaire qui n'a pas encore été inventorié et analysé dans son intégralité. En effet, avant le présent article, il semble n'y avoir eu qu'une seule tentative sérieuse de rassembler nos noms de champignons pour étude. Il serait très souhaitable, évidemment, de disposer d'un atlas définitif de ces noms, minutieusement et systématiquement compilés dans tout le pays par une équipe de linguistes et de mycologues compétents.



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 Ⅰ. Noms japonais pour les champignons en général

1.    Kinoko  木の子, 菌, 蕈, 茸
        C'est le terme le plus commun désignant tous les champignons. Kinoko signifiant textuellement  « enfant de l'arbre », on peut concevoir qu'il s'appliquait à l'origine aux seuls champignons croissant sur les arbres ou autour des arbres. On ignore la date à laquelle le mot kinoko fut utilisé pour la première fois, mais il existe d'autres termes qui semblent être plus anciens.

2.   Také  菌, 茸,
       Ce mot très intéressant serait, selon le Daigenkaï, l'abbrévation de takéri, ancien terme pour désigner l'organe mâle. Une telle association, que l'on retrouve communément chez de nombreux peuples, se passe d'explication. Takéri est un nom dérivé du verbe takéru, deux mots aujourd'hui tombés en désuétude. Takéru a survécu dans les départements de Hiroshima, Shimané, Yamaguchi, Gifu, Tokushima, Ôtsu,  et Fukuoka avec le sens de « crier » ou « parler à haute voix »; à Mié, Wakayama, Ôsaka, Tokushima et Kôchi avec le sens de « croître, grandir, pousser »; à Niigata et Mié avec le sens de « gronder, sermonner », et à Miyagi avec le sens de « copuler, être en rut ».

     Takéru semble avoir été une variante du verbe taku, signifiant « croître, pousser haut, atteindre la croissance optimale », mais aussi « devenir furieux, rugir, exceller », et cætera. Dans certains usages, také signifie aussi « haut ». Tous ces sens ont en commun l'idée de « vitalité vigoureuse ».  Le mot japonais désignant le bambou est également také, et les philologues nous disent qu'il a la même origine, bien que s'écrivant différemment en caractères sino-japonais, . On comprend aisément pourquoi le bambou, à croissance rapide, a été nommé ainsi. Quand les caractères chinois ont été introduits au Japon, le champignon také et le bambou také ont été différenciés en leur attribuant des caractères distincts. Také est un mot plus ancien que kinoko. On trouve le premier dans le Shinsen Jikyô, le plus ancien dictionnaire de Kanjis existant dans son intégralité, publié vers l'an 900 A.D. dans le traité d'herboristerie Honzô Wamyô, ainsi que dans le lexique classifié Wamyô Ruishûshô , publié quelques années plus tard, aucun de ces deux ouvrages ne mentionnant le mot kinoko. Také pour le bambou est attesté dans le Kojiki, qui fut achevé en 712 A.D., et apparaît également dans le Wamyô Ruishûshô.

    En japonais standard, on trouve také combiné dans les mots composés formant des noms d'espèces de champignons, comme matsu-také (= « champignon du pin »)  ou hatsu-také (= « champignon précoce »). D'après le dictionnaire complet des dialectes du Japon de Misao Tōjō (1951), le terme est encore utilisé seul pour désigner les champignons en général, dans les départements de Nara, Tottori, Hyôgo, Shimané, Ehimé, et Ôïta.

3.   Kusabira  蔬, 草片, 菌
      C'est un mot ancien, que l'on n'entend plus que dans certaines contrées, notamment quelques localités du département de Wakayama, pour désigner tous les champignons. Il se compose de kusa« herbe », et de bira (altération phonétique de hira) = « lobe » ou « feuille ». Le Daïgenkaï indique que le mot a d'abord désigné les légumes en général, en y incluant probablement les champignons. Selon le dictionnaire des dialectes de Tôjô, il prend le sens de « lobe d'oreille » dans certaines contrées de Wakayama, et le sens de « champignons malsains » dans d'autres régions, dans lesquelles les champignons sont appelés koké (cf. ci-dessous).

      Le terme a été conservé dans le nom d'un petit sanctuaire shintô situé près d' Ôtsu, dans le département de Shiga, le Kusabira Jinja, lequel aurait été construit à la demande de l'empereur Jomei (舒明天皇, Jomei-tennō 593-641) dans la première moitié du 7ème siècle. D'après une légende locale, c'est sur son site qu'une rizière, appartenant à un certain Takéda no Muraji, apparue en l'espace d'une seule nuit sous le règne du légendaire Empereur Keikô (景行天皇, Keikō Tennō, qui aurait vécu au 2ème siècle), regorgeait de champignons. Comme les champignons poussent rarement dans les rizières, Takéda pensa qu'ils étaient hors du commun et en offrit une grande quantité à l'Empereur. L'Empereur les trouva si délicieux qu'il conféra à Takéda le nouveau nom de famille de Kousabirata, littéralement « rizière de champignons » ou « champ de champignons ». Toutefois, en dépit du nom de ce sanctuaire shintô, la divinité (le Kami) qui y est révérée n'a aucun rapport avec les champignons.

4.   Mimi  耳
     Bien qu'étant le mot ordinaire pour « oreille », il désigne aussi les champignons en général dans l'île de Sado, la péninsule de Noto, le département d'Ishikawa et la partie nord du département de Hyôgo. Le mot « oreille » et ses équivalents apparaissent fréquemment dans les noms de champignons un peu partout dans le monde. « Jew's-ear », par exemple, est le nom vernaculaire au Royaume-Uni pour Auricularia auricula-judae (épithète impudemment « retouchée » par Bulliard qui accole le "de Judas" à Hirneola auricula de Linné, ce qui frappe le binôme d'illegitimité), de même que, par coïncidence, le nom chinois pour cette espèce lignicole, qui se traduit « oreille d'arbre ». Au Japon, cependant, il ne se traduit pas par ki no mimi (= « oreille de l'arbre ») comme on aurait pu l'attendre, mais par « kikurage » [ki-kura-gué], qui signifie « méduse de l'arbre ». Cette anomalie sera expliquée plus bas. Cependant, cette espèce est nommée localement « Champignon oreille » et « Oreille de chat ».

5.   Motasé
     C'est le terme consacré aux champignons en général dans le Nord de Honshû. Bien que son origine soit obscure, il semblerait qu'il soit lié au verbe motaséru, dont l'un des sens est « faire dépenser l'autre », quelque chose comme « vivre aux crochets de quelqu'un ». Les champignons poussant sur les arbres sont parasites et vivent effectivement « aux dépens » de l'arbre. Aussi les champignons poussant sur les châtaigniers sont-ils appelés Kurinoki-motasé; ceux venant sur bambous nains, Sasa-motasé; ceux croissant sur cryptomerias, Sugi-motasé, et caetera.

6.   Naba   滑生
     Ce mot désignant les champignons est largement usité dans Kyûshû, Shikoku et l'Ouest de Honshû. Selon le Daïgenkaï, il est composé de deux abréviations, na de namé (= « visqueux, gluant ») et ha, dérivé de l'altération phonétique de haeru (= « croître »). Cette étymologie n'est toutefois pas attestée. Dans le département de Nara, naba désigne une espèce particulière, ailleurs nommée Matsou-také (Tricholoma matsu-take) et qui est le plus apprécié dans la région.

7.   Koké  木毛
      
Homophone du mot japonais standard () désignant les mousses et hépatiques (cf. attraction linguistique de mousse et champignon dans "mousseron" et "mushroom", débattue sur le forum Mycologia Europaea), il est appliqué à l'ensemble des champignons dans certaines localités limitées dans les départements de Gifu, Aïchi et Ishikawa. Composé de deux éléments, ko (altération phonétique de ki), signifiant « arbre », et , signifiant « poils ».

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